Biographie abrégée de
MARIE-PHILOMENE ROPTUS dite LUMINA SOPHIE dite SURPRISE(1848-1879)
LUMINA SOPHIE dite SURPRISE naît le 5 novembre 1848, juste après l’abolition de l’esclavage, en Martinique au Vauclin à l’habitation LA BROUE. Elle est enregistrée à l’état civil sous le nom de MARIE PHILOMENE SOPHIE , fille de Marie Sophie dite ZULMA. Peu après le patronyme donné à sa mère et à elle-même sera celui de Roptus.
La petite enfance de Surprise, se déroule à l’ habitation La Broue, où se met en place la nouvelle vie des nouveaux libres à partir du second semestre de l’année 1848, avec les contrats d’association qui laisse en jouissance aux travailleurs les cases et un petit lopin de terre.
La famille de la petite fille est majoritairement composée de femmes et sa grand mère, Reine SOPHIE veille à la gestion du « jaden boy Kay » où s’activent sa mère et ses tantes pendant que les hommes dans le « jadin nèg » se donnent à la culture des gros légumes de caféiers, cacaoyers et de bananiers. A la mort de sa grand mère, la famille se disperse, et c’est la rupture avec la famille élargie. Surprise à 6 ans ,Zulma sa mère se retrouve à la tête d’une famille monoparentale qu’elle installe sur l’habitation Champfleury entre Vauclin et Rivière Pilote. Zulma a plusieurs cordes à son arc, elle est couturière, cultivatrice, marchande mais aussi journalière sur les habitations voisines. Surprise, apprend la couture, accompagne sa mère au marché, et lors des récoltes de la canne à sucre et du café. Elle fait ainsi l’apprentissage des conditions de vie des ouvriers et des paysans.
Au début de l’année 1870, Surprise a 21 ans , résistante, et dotée d’une forte personnalité. C’est une jeune femme autonome qui a gardé le contact avec le « pays sucrier » où elle est journalière par moments, vendeuse sur les marchés du hameau de Josseaud et du bourg de Rivière Pilote. Elle fréquente les artisans du bourg, cultivatrice et couturière rurale elle partage l’amertume des paysans des mornes. Son concubinage avec Emile SIDNEY, issu d ’une famille de libres de couleur d’avant l’abolition de l’esclavage, contribue à lui donner un regard averti sur le quotidien des populations rurales, imposées inéquitablement, méprisées et écartées de l’instruction.
En 1870, Léopold LUBIN , un noir du Marin , membre d’une famille d’entrepreneur de travaux publics est lourdement condamné dans une affaire l’opposant à Augier de MAINTENON , jeune européen , commissaire de marine et chef de service au bourg du Marin. Un mouvement de solidarité active à laquelle s’associe LUMINA se développe. A cette affaire s’ajoute l’affaire CODE. CODE est un Béké, propriétaire de l’habitation LA MAUNY, auteur d’un drapeau blanc hissé en nostalgie des temps esclavagistes, membre du jury d’assises dans l’affaire LUBIN qu’ll se vante publiquement d’avoir fait condamner. Les habitants des campagnes sont en colère contre les provocations de CODE et de l’injustice faite à LUBIN. LUMINA, est solidaire du mécontentement populaire.
En septembre 70, sur la place du marché de Rivière Pilote, on l’a retrouve avec les autres manifestants-es, hurlant la libération de LUBIN. Le 22 septembre la population du Sud de la Martinique et notamment celle de Rivière Pilote se soulève. LUMINA fait partie des insurgés-es. Elle est enceinte de deux mois. Elle participe à la marche vers La Mauny avec l’ «armée» de TELGA. L’insurrection est rapidement vaincue et LUMINA est arrêtée le 26 septembre 1870 à Régale sur l’Habitation Eugène LACAILLE, et sera incarcérée au FORT DESAIX.
Plusieurs chefs d’accusation sont retenus contre elle. Son premier procès se tiendra du 17 mars au 17 avril, on l’a présente comme une femme qui cherche à dominer les hommes. Le gouverneur de l’époque l’identifie comme la « flamme de la révolte », les témoins à charge parle de la « reine de la compagnie, la plus féroce, la plus terrible des chefs de bande, la maniaque de l’incendie.. ». Malgré sa présence, dans les événements de Rivière Pilote, on ne retient pas contre elle l’accusation de complot, ni le commandement de troupes armées. Elle est relaxée le 17 avril de ce chef d’accusation mais d’autres charges pèsent sur elle.
Le 28 avril 1871 elle accouche, à la prison centrale de Fort de France, d’un garçon que l’administration pénitentiaire nomme Théodore LUMINA. L’enfant est immédiatement séparé de sa mère.
Le 2éme procès de LUMINA se déroulera du 22 mai au 8 juin 1871. Elle sera punie, pour révolte contre l’aristocratie des planteurs, pour blasphème, pour avoir menacé les hommes et pour vouloir les dominer, pour avoir mis le feu à 3 habitations.
Le 8 juin 1871 LUMINA est condamnée aux travaux forcés à perpétuité pour incendie et participation active à l’insurrection.
LUMINA SOPHIE arrive au bagne de Saint Laurent du Maroni, en Guyane le 22 décembre 1871. Théodore meurt à 14 mois, à la prison de Fort de France, le 10 juillet 1872.
Elle est contrainte d’épouser 7 ans après, le 4 Aout 1877, Marie Léon Joseph FELIX un bagnard, un paysan originaire du nord de la France. Elle meurt d’épuisement, de maladie et de mauvais traitements, le 15 décembre 1879 à Saint Laurent du Maroni. Elle est alors âgée de 31 ans.
Marie Joe Hardy-Dessources Sellaye
lundi 11 mai 2009
jeudi 7 mai 2009
SILENCE, ON A TUE!
Préface à l'ouvrage de Georges .E. Mauvois Château Aubéry sur l'affaire André Aliker
12 janvier 1934 : les vagues d’une plage paisible de la côte caraïbe en Martinique, ont rejeté le cadavre d’un homme ligoté.
C’était il y a 73 ans ! En fait pour le temps historique, il n’y a pas si longtemps ! Même pas l’espace d’une vie d’homme ou de femme de notre pays ; inférieur à ce que le temps des démographes traduit en espérance de vie pour un martiniquais du début de ce nouveau siècle. Bien des contemporains de l’évènement existent encore ! Parmi ceux-là Georges Eleuthère Mauvois, écrivain d’une étonnante jeunesse qui en s’attachant à restituer des faits marquants de la vie sociale, politique et économique se plonge dans « l’histoire immédiate ».
Vous avez dit Histoire immédiate ! Aventure risquée qui pourrait sentir le souffre : car bien des acteurs, des témoins, des parents proches, des amis existent encore ; car surtout bien des partis-pris antagonistes, des passions non rassérénées, des souffrances non éteintes flottent encore dans nos rues, au cimetière, sur les rives de l’Anse Bourlet, autour du célèbre château du Morne Pitault et même dans la dénomination d’un lycée professionnel. Relatant comment le destin du plus puisant des békés martiniquais du premier XXème siècle se croise avec celui d’un intrépide journaliste, Georges Eleuthère Mauvois ne tombe pas dans le piège du récit caricatural, de la simple reprise de ce qui avait été dit jusqu’à aujourd’hui. Il s’oblige à la plongée dans les documents, à la vérification des témoignages, à la confrontation à d’autres sources, à la pratique minutieuse du célèbre « testus unus, testus nullus » si cher à l’historien méticuleux (nourri à l’ « Introduction aux sciences historiques »de Seignobos) et à l’avocat scrupuleux qu’a été Georges Eleuthère Mauvois. Nous avons dit aventure risquée car l’ « histoire immédiate » ne dispose pas par définition du recul suffisant, de la distance nécessaire pour trier et hiérarchiser entre ce qui est vraiment historique et ce qui ne l’est pas. Le chercheur n’a pas accès à toutes les archives (par exemple le strict délai centenaire pour les pièces judicaires), ni à toutes les pièces privées dont une grande partie de ce qui n’a pas été détruit reste enfouie, oubliée ou cachée. Le chercheur peut être victime de l’opinion publique du moment, des rumeurs surtout lorsqu’elles peuvent être distillées par les médias ou les versions officielles ou officieuses préfabriquées. Vous constaterez que Georges Eleuthère Mauvois a su déjouer le piège en mettant l’événement en perspective et donner à son récit une épaisseur historique.
Au-delà de ce premier défi que s’est imposé Georges Eleuthère Mauvois, celui-ci dépasse le simple récit événementiel. Il brosse talentueusement une tranche de la vie de ce « roi du rhum et de la plaine du Lamentin », personnage extravagant, haut en couleurs et bardé de cynisme qu’est le béké Aubéry semblable aux « Robbers barons » américains, peut-être ses modèles. Il le replace dans son château, dans ses rapports avec ses collaborateurs, dans les réceptions de hauts fonctionnaires de la colonie, dans les intrigues avec ses hommes de main, dans l’univers des pitts – nos gallodromes-, ne dédaignant pas s’engouffrer au volant de sa Studebaker dans les quartiers populaires pour assouvir sa passion du pari. Par petites touches, Georges Eleuthère Mauvois s’introduit dans la description de modes de vie, de modes de pensée, de modes de fonctionnement, d’habitudes, de mœurs, de comportements, de mentalités. En somme, une manière d’illustrer la démarche d’historiens comme « Alain Corbin » qui mettent l’accent sur la vie sociale à travers ce qu’ils dénomment l’étude des sensibilités, et qui constitue un des aspects que mettent en avant les écoles doctorales historiques françaises.
« L’historien est comme l’ogre, là où il sent l’odeur de la chair humaine, il sait que là est son gibier ! ». Est-ce pour Georges Eleuthère Mauvois que Marc Bloch écrivait cette maxime répétée dans tous les cours de méthodologie historique. En tous les cas, le déroulement consciencieux voire perfectionniste du récit de la liquidation physique d’André Aliker entre les premières agressions et le drame final, font de l’auteur de « Château Aubéry », un adepte de ceux qui refusent que les développements théoriques nuisent à la narration ; et si une certaine mode avait mis à l’écart l’histoire dite événementielle, on est largement revenu sur ces jugements. Par histoire événementielle, on n’entend plus l’ « histoire bataille » mais le récit d’un événement sursignifié. On admet une fois pour toutes qu’il n’y a pas d’histoire sans récit, que le récit est consubstantiel à l’histoire. Georges Eleuthère Mauvois domine l’art du récit avec sobriété et maîtrise. Sans tomber dans la grandiloquence surannée d’un Michelet, il semble dire comme ce dernier que « L’historien (doit libérer) les âmes captives des morts ».
Pierre Aliker, le jeune frère, encore vivant d’André, déclare chaque fois qu’il en a l’occasion que cet assassinat sans aucun coupable condamné est le plus grand déni de justice et le plus grand scandale du XXème siècle en Martinique. Georges Eleuthère Mauvois qui ne cache pas son empathie pour André Aliker, se refusant à la posture hypocrite de la fausse objectivité mais campant sur une honnêteté intransigeante, partage l’opinion de Pierre et « ressuscite » les protagonistes du drame de 1934 en « libérant leurs âmes captives ».
Lisez et recommandez « Château Aubéry », pour vous réconcilier avec l’Histoire avec un grand H.
Foyal le 2 novembre 2007.
Gilbert PAGO
12 janvier 1934 : les vagues d’une plage paisible de la côte caraïbe en Martinique, ont rejeté le cadavre d’un homme ligoté.
C’était il y a 73 ans ! En fait pour le temps historique, il n’y a pas si longtemps ! Même pas l’espace d’une vie d’homme ou de femme de notre pays ; inférieur à ce que le temps des démographes traduit en espérance de vie pour un martiniquais du début de ce nouveau siècle. Bien des contemporains de l’évènement existent encore ! Parmi ceux-là Georges Eleuthère Mauvois, écrivain d’une étonnante jeunesse qui en s’attachant à restituer des faits marquants de la vie sociale, politique et économique se plonge dans « l’histoire immédiate ».
Vous avez dit Histoire immédiate ! Aventure risquée qui pourrait sentir le souffre : car bien des acteurs, des témoins, des parents proches, des amis existent encore ; car surtout bien des partis-pris antagonistes, des passions non rassérénées, des souffrances non éteintes flottent encore dans nos rues, au cimetière, sur les rives de l’Anse Bourlet, autour du célèbre château du Morne Pitault et même dans la dénomination d’un lycée professionnel. Relatant comment le destin du plus puisant des békés martiniquais du premier XXème siècle se croise avec celui d’un intrépide journaliste, Georges Eleuthère Mauvois ne tombe pas dans le piège du récit caricatural, de la simple reprise de ce qui avait été dit jusqu’à aujourd’hui. Il s’oblige à la plongée dans les documents, à la vérification des témoignages, à la confrontation à d’autres sources, à la pratique minutieuse du célèbre « testus unus, testus nullus » si cher à l’historien méticuleux (nourri à l’ « Introduction aux sciences historiques »de Seignobos) et à l’avocat scrupuleux qu’a été Georges Eleuthère Mauvois. Nous avons dit aventure risquée car l’ « histoire immédiate » ne dispose pas par définition du recul suffisant, de la distance nécessaire pour trier et hiérarchiser entre ce qui est vraiment historique et ce qui ne l’est pas. Le chercheur n’a pas accès à toutes les archives (par exemple le strict délai centenaire pour les pièces judicaires), ni à toutes les pièces privées dont une grande partie de ce qui n’a pas été détruit reste enfouie, oubliée ou cachée. Le chercheur peut être victime de l’opinion publique du moment, des rumeurs surtout lorsqu’elles peuvent être distillées par les médias ou les versions officielles ou officieuses préfabriquées. Vous constaterez que Georges Eleuthère Mauvois a su déjouer le piège en mettant l’événement en perspective et donner à son récit une épaisseur historique.
Au-delà de ce premier défi que s’est imposé Georges Eleuthère Mauvois, celui-ci dépasse le simple récit événementiel. Il brosse talentueusement une tranche de la vie de ce « roi du rhum et de la plaine du Lamentin », personnage extravagant, haut en couleurs et bardé de cynisme qu’est le béké Aubéry semblable aux « Robbers barons » américains, peut-être ses modèles. Il le replace dans son château, dans ses rapports avec ses collaborateurs, dans les réceptions de hauts fonctionnaires de la colonie, dans les intrigues avec ses hommes de main, dans l’univers des pitts – nos gallodromes-, ne dédaignant pas s’engouffrer au volant de sa Studebaker dans les quartiers populaires pour assouvir sa passion du pari. Par petites touches, Georges Eleuthère Mauvois s’introduit dans la description de modes de vie, de modes de pensée, de modes de fonctionnement, d’habitudes, de mœurs, de comportements, de mentalités. En somme, une manière d’illustrer la démarche d’historiens comme « Alain Corbin » qui mettent l’accent sur la vie sociale à travers ce qu’ils dénomment l’étude des sensibilités, et qui constitue un des aspects que mettent en avant les écoles doctorales historiques françaises.
« L’historien est comme l’ogre, là où il sent l’odeur de la chair humaine, il sait que là est son gibier ! ». Est-ce pour Georges Eleuthère Mauvois que Marc Bloch écrivait cette maxime répétée dans tous les cours de méthodologie historique. En tous les cas, le déroulement consciencieux voire perfectionniste du récit de la liquidation physique d’André Aliker entre les premières agressions et le drame final, font de l’auteur de « Château Aubéry », un adepte de ceux qui refusent que les développements théoriques nuisent à la narration ; et si une certaine mode avait mis à l’écart l’histoire dite événementielle, on est largement revenu sur ces jugements. Par histoire événementielle, on n’entend plus l’ « histoire bataille » mais le récit d’un événement sursignifié. On admet une fois pour toutes qu’il n’y a pas d’histoire sans récit, que le récit est consubstantiel à l’histoire. Georges Eleuthère Mauvois domine l’art du récit avec sobriété et maîtrise. Sans tomber dans la grandiloquence surannée d’un Michelet, il semble dire comme ce dernier que « L’historien (doit libérer) les âmes captives des morts ».
Pierre Aliker, le jeune frère, encore vivant d’André, déclare chaque fois qu’il en a l’occasion que cet assassinat sans aucun coupable condamné est le plus grand déni de justice et le plus grand scandale du XXème siècle en Martinique. Georges Eleuthère Mauvois qui ne cache pas son empathie pour André Aliker, se refusant à la posture hypocrite de la fausse objectivité mais campant sur une honnêteté intransigeante, partage l’opinion de Pierre et « ressuscite » les protagonistes du drame de 1934 en « libérant leurs âmes captives ».
Lisez et recommandez « Château Aubéry », pour vous réconcilier avec l’Histoire avec un grand H.
Foyal le 2 novembre 2007.
Gilbert PAGO
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