mercredi 22 avril 2009

HEROS, HEROINES D'HIER ET COMBATTANT(E)S D'AUJOURD'HUI.

Révolution Socialiste N° 970 - décembre 2008

HEROS, HEROINES D'HIER ET
COMBATTANT(E)S D'AUJOURD'HUI.

André Aliker, 16 de Basse- Pointe, Lumina Sophie, depuis quelques mois films, documentaires, chansons et livres sur des grandes figures de la résistance populaire fleurissent.
C'est bon signe. L'intérêt du public ne se dément pas. C'est encore un meilleur signe. A condition qu'il ne s'agisse pas d'un retour nostalgique sur le passé destiné à se consoler du manque d'audace d'aujourd'hui.

Prenons plutôt cet engouement pour une prise de conscience de l'importance de la connaissance des luttes populaires d'hier pour comprendre notre présent dans toute sa complexité. Prise de conscience aussi du besoin de s'inspirer des exemples glorieux d'hier pour conforter le courage nécessaire aux luttes d'aujourd'hui et de demain.

Toute commémoration se conjugue au présent. Contrairement à ce que dit un bel adage, les fourmis n'iront pas dire aux morts l'hommage posthume qu'on leur rend. Mais les vivants d'aujourd'hui doivent se nourrir de ce qu'il y a de plus grand dans les hauts faits des ancêtres.

Toujours, le peuple martiniquais a lutté. L'étonnant c'est la facilité avec laquelle les dominants ont réussi à enfouir dans l'oubli ou les falsifications les combats inlassables menés avant nous.
Les 16 de Basse-Pointe, il n'y a guère qu'un demi-siècle. André Aliker, trois quarts de siècle. Lumina Sophie, un siècle et quart. Et il y a tant de luttes, connues ou moins connues à intégrer dans une compréhension cohérente de notre longue marche vers la liberté et l'émancipation !

Le meilleur hommage à nos héroïnes et héros d'hier, ce n'est pas d'inventer à leur sujet des légendes approximatives et des mythes frelatés. C'est, tout en cernant les limites et les contradictions de chacun, de saisir et nous inspirer des éléments les plus héroïques de leurs conduites.

Des 16 de Basse-Pointe, retenons l'extraordinaire leçon de solidarité, la remarquable
façon de défendre, malgré la répression et les menaces, le secret salvateur. Non, Konplo nèg sé pa konplo chyen ! Retenons aussi la belle leçon d'internationalisme donné par le mouvement ouvrier français de l'époque !

D'André Aliker, retenons l'extraordinaire courage, la rage de dénoncer les corrompus, de faire face aux puissants, malgré les tentatives, finalement réussies, d'assassinat pur et simple.
De Lumina Sophie, retenons la flamme d'une insurgée hors du commun, une féministe avant la lettre, si on veut, mais une féministe n'hésitant pas une seconde à prendre une place centrale dans le soulèvement de tout un peuple, pour libérer toute une classe de déshérités, hommes et femmes confondus dans un combat contre l'oppresseur et ses suppôts.

Solidarité, courage, détermination, audace, rage de vaincre. Ces valeurs nous sont aussi indispensables aujourd'hui qu'hier. Les raisons de se révolter ont changé de forme mais, contrairement aux apparences superficielles, elles sont plus impérieuses aujourd'hui qu'hier. Hier il s'agissait d'accéder à une humanité qui nous était niée, de conquérir des droits élémentaires qui nous étaient refusés.

Aujourd'hui il est question de prendre notre place dans le combat pour sauver l'espèce humaine elle-même.

Comme nous le demandait Delgrès, quand son heure définitive avait sonné face à l'armée esclavagiste, accordons une larme au souvenir des héros sacrifiés mais surtout prenons une part de leur héroïsme pour les combats

Article de Philippe Pierre-Charles paru dans Révolution Socialiste N° 970 - décembre 2008

Révolution Socialiste N° 970 - décembre 2008 : article de Philippe Pierre-Charles


A LIRE : "LUMINA Sophie DITE "SURPRISE" 1848-1879


Les personnes à la recherche de contes et légendes sur Lumina Sophie ou sur notre histoire martiniquaise en général devront les chercher ailleurs. En confiant son texte aux éditions IBIS rouge (15 euros), Gilbert Pago est conscient d'avoir fait œuvre d'historien.
Rien de ce qui est écrit dans cet ouvrage d'une centaine de pages qui ne soit attesté par un document, par une source dûment signalée et donc vérifiable ; aucune hypothèse qui ne soit soumise à la confrontation avec une documentation minutieusement recherchée, répertoriée, critiquée dans les règles de l'art.

On est loin de l'exagération polémique et de l'instrumentalisation de l'histoire à des fins politiques. En bon marxiste, l'auteur a rédigé une biographie ou le personnage de feu de Lumina Sophie est étudié sous l'éclairage du contexte historique, sociologique, économique, démographique de cette Martinique post-abolitionniste encore si proche de l'esclavage.
C'est donc l'occasion d'une plongée dans les conditions de la transition entre deux époques, transition fort importante pour comprendre la portée et les limites de l'abolition (1) et donc les conditions de la genèse du peuple martiniquais.

Le cadre décrit permet de situer la trame évènementielle maintes fois décrite ailleurs (l'affaire Lubin, l'insurrection, la répression..) mais se trouve complétée par l'étude précise du procès des insurgé-e-s. L'élément le plus nouveau, outre la connaissance de la généalogie (comment Lumina Sophie n'est autre que.. Marie- Philomène Roptus ou encore comment son lieu de naissance est en réalité le Vauclin sans qu'on puisse lui enlever la qualité de Pilotine… et de Martiniquaise tout court !), c'est la révélation de la fin de sa vie, " douloureuse et tragique " au bagne de Saint Laurent du Maroni de cette héroïne hors du commun.

L'ouvrage, de lecture " fluide" pour citer Léandre Litampha, est un document de travail d'une densité certaine. Il y a d'ailleurs un contraste frappant entre l'ampleur considérable d'une recherche entamée depuis une quarantaine d'années et la brièveté d'un texte écrit dans l'urgence après une circonstance désastreuse : la perte du premier manuscrit suite à un vol d'ordinateur !

Ceci explique que la lecture du livre doit être complétée par la participation aux présentations et débats auxquels Gilbert Pago se livre de bonne grâce devant un public nombreux (déjà quelques centaines de personnes si on additionne la présentation à la Brèche (librairie de la LCR à Paris), les manifestations de l'UFM (à Fort de France et au Vauclin), celle du Diamant ou celle de l'Atrium sous l'égide de Belya.

Cet impact immédiat qui s'amplifiera forcement est réconfortant car il prouve l'existence chez un grand nombre d'une curiosité exigeante, pas uniquement pour les romans historiques, tout à fait importants mais se situant sur un autre registre -et qui doivent être lus comme tels.

Un dernier mot pour dire que la rigueur de l'historien ne signifie pas une impossible neutralité. Ce sont les exigences du combat anticolonialiste qui ont conduit Gilbert sur les traces de cette insurrection. En 1970, pour le centenaire de " l'Insurrection du Sud ", il avait participé déjà à une remarquable visite commentée des lieux de l'insurrection depuis le Marin jusqu'à Rivière-Pilote. Sa fascination pour " septembre 70 " et pour Lumina Sophie remonte donc loin dans le temps. Elle n'a pas fini de donner des fruits que les nouvelles générations se doivent de consommer… sans modération !

P. Pierre-Charles

lundi 20 avril 2009











Dans le prolongement de son étude sur la place des femmes lors des luttes pour l’abolition de l’esclavage et la liquidation du système esclavagiste, Gilbert Pago nous retrace la résistance des femmes des campagnes martiniquaises dans les 22 années qui ont suivi l’épopée de 1848.


L’auteur relate cette dure page à travers le personnage de feu que fut Marie-Philomène Roptus, mieux connue sous l’appellation de Lumina Sophie dite Surprise., une des insurgées les plus actives de l’Insurrection de 1870 dans les campagnes du sud de la Martinique.


De Surprise, celle dont on a dit qu’elle fut la figure de proue de la révolte, l’image même de ces femmes représentant la flamme de l’insurrection, la biographie manquait !



Gilbert Pago lui rétablit son identité, fait découvrir son lieu de naissance, la campagne de son adolescence. Il nous fait connaître sa grand-mère, sa mère, son frère, ses oncles et tantes, ses cousins et cousines, sa filleule, son concubin et son fils. Il nous décrit l’univers impitoyable que fut le bagne de Saint Laurent du Maroni où elle passa les huit dernières années de sa vie avant de mourir à l’âge de 31 ans.



Il nous fait défiler l’histoire passionnante, douloureuse et tragique de Marie Philomène Roptus dite Lumina Sophie dite Surprise, insurgée et bagnarde, femme–flamme du Sud en révolte.



Gilbert Pago, agrégé d’histoire, est actuellement directeur de l’IUFM de Martinique, en charge de la formation des enseignants. Il est aussi formateur en histoire des professeurs des écoles et participe à la préparation des candidats au capes en histoire et à l agrégation interne en histoire-géographie pour les Antilles-Guyane.