mercredi 22 avril 2009

Article de Philippe Pierre-Charles paru dans Révolution Socialiste N° 970 - décembre 2008

Révolution Socialiste N° 970 - décembre 2008 : article de Philippe Pierre-Charles


A LIRE : "LUMINA Sophie DITE "SURPRISE" 1848-1879


Les personnes à la recherche de contes et légendes sur Lumina Sophie ou sur notre histoire martiniquaise en général devront les chercher ailleurs. En confiant son texte aux éditions IBIS rouge (15 euros), Gilbert Pago est conscient d'avoir fait œuvre d'historien.
Rien de ce qui est écrit dans cet ouvrage d'une centaine de pages qui ne soit attesté par un document, par une source dûment signalée et donc vérifiable ; aucune hypothèse qui ne soit soumise à la confrontation avec une documentation minutieusement recherchée, répertoriée, critiquée dans les règles de l'art.

On est loin de l'exagération polémique et de l'instrumentalisation de l'histoire à des fins politiques. En bon marxiste, l'auteur a rédigé une biographie ou le personnage de feu de Lumina Sophie est étudié sous l'éclairage du contexte historique, sociologique, économique, démographique de cette Martinique post-abolitionniste encore si proche de l'esclavage.
C'est donc l'occasion d'une plongée dans les conditions de la transition entre deux époques, transition fort importante pour comprendre la portée et les limites de l'abolition (1) et donc les conditions de la genèse du peuple martiniquais.

Le cadre décrit permet de situer la trame évènementielle maintes fois décrite ailleurs (l'affaire Lubin, l'insurrection, la répression..) mais se trouve complétée par l'étude précise du procès des insurgé-e-s. L'élément le plus nouveau, outre la connaissance de la généalogie (comment Lumina Sophie n'est autre que.. Marie- Philomène Roptus ou encore comment son lieu de naissance est en réalité le Vauclin sans qu'on puisse lui enlever la qualité de Pilotine… et de Martiniquaise tout court !), c'est la révélation de la fin de sa vie, " douloureuse et tragique " au bagne de Saint Laurent du Maroni de cette héroïne hors du commun.

L'ouvrage, de lecture " fluide" pour citer Léandre Litampha, est un document de travail d'une densité certaine. Il y a d'ailleurs un contraste frappant entre l'ampleur considérable d'une recherche entamée depuis une quarantaine d'années et la brièveté d'un texte écrit dans l'urgence après une circonstance désastreuse : la perte du premier manuscrit suite à un vol d'ordinateur !

Ceci explique que la lecture du livre doit être complétée par la participation aux présentations et débats auxquels Gilbert Pago se livre de bonne grâce devant un public nombreux (déjà quelques centaines de personnes si on additionne la présentation à la Brèche (librairie de la LCR à Paris), les manifestations de l'UFM (à Fort de France et au Vauclin), celle du Diamant ou celle de l'Atrium sous l'égide de Belya.

Cet impact immédiat qui s'amplifiera forcement est réconfortant car il prouve l'existence chez un grand nombre d'une curiosité exigeante, pas uniquement pour les romans historiques, tout à fait importants mais se situant sur un autre registre -et qui doivent être lus comme tels.

Un dernier mot pour dire que la rigueur de l'historien ne signifie pas une impossible neutralité. Ce sont les exigences du combat anticolonialiste qui ont conduit Gilbert sur les traces de cette insurrection. En 1970, pour le centenaire de " l'Insurrection du Sud ", il avait participé déjà à une remarquable visite commentée des lieux de l'insurrection depuis le Marin jusqu'à Rivière-Pilote. Sa fascination pour " septembre 70 " et pour Lumina Sophie remonte donc loin dans le temps. Elle n'a pas fini de donner des fruits que les nouvelles générations se doivent de consommer… sans modération !

P. Pierre-Charles

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